L'aménagement des pouvoirs du juge par les contractants
- Droit des Affaires
Les parties sont-elles libres d'aménager par convention les pouvoirs dévolus au juge en matière contractuelle, de modifier, d'évincer ou de réduire ses attributions ? Cette question conduit à un renversement d perspective dans l'étude des pouvoirs du juge, en s'intéressant moins à leu essor contemporain qu'à leurs limites, et plus précisément aux limites qui peuvent leur être conventionnellement assignées. A côté des mécanismes visant à exclure la compétence même du juge, le phénomène de contractualisation du procès revêt en effet d'autres manifestations, telle que celle par laquelle les parties s'emploient à définir lors de la rédaction du contrat les questions sur lesquelles le juge éventuellement saisi dans l'avenir d'un litige les opposant sera lié par ce qu'elles ont décidé en ses lieu et place. La pratique fourmille de clauses qui ont pour objectif de limiter les attributions du juge, de réduire ou d'anéantir le pouvoir d'appréciation qui lui revient en principe. Ces clauses sont stipulées dans des domaines aussi variés que la qualification des faits et actes des parties, l'interprétation du contrat, la preuve, ou encore les sanctions de l'inexécution ou de l'invalidité du contrat. Dans tous ces domaines, les contractants tentent parfois d'assurer une certaine prévisibilité des décisions de justice, d'écarter une part de l'incertitude inhérente au jugement, en imposant au juge certaines données qui lui permettront de trancher un litige éventuel.
Or, les juges consacrent souvent ces clauses qui ont pourtant pour objet de limiter l'étendue de leurs prérogatives, les juges reconnaissent ainsi aux parties un certain pouvoir dans la délimitation de leur propre rôle. Néanmoins, il est une part de l'office du juge que les parties ne sauraient lui retirer. Les juges exercent donc un contrôle des clauses par lesquelles les parties tendent à limiter leur rôle et peuvent les priver d'effet lorsqu'elles apparaissent véritablement injustes ou déraisonnables, en particulier dans les relations contractuelles déséquilibrées où ces clauses peuvent parfois apparaître davantage comme une source de justice unilatérale et partiale que comme la manifestation d'une recherche bilatérale de prévisibilité. Pour autant, ce pouvoir des contractants d'empiéter sur la fonction juridictionnelle, dont la présente étude tente de montrer l'existence et les limites, mérite d'être souligné, ne serait-ce que pour contribuer à renouveler le débat sur les rapports du juge et du contrat, en mettant l'accent sur le rôle du second dans la délimitation des attributions du premier.
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