La liberté de prendre des risques
- Droit des Affaires
La réflexion juridique actuelle à propos de la liberté de prendre des risques semble être partout et nulle part à la fois. Partout car beaucoup des grands débats juridiques de notre temps, ceux relatifs au principe de précaution, au fonctionnement des marchés financiers ou à la portée de l'acceptation des risques dans le contrat et la responsabilité, portent en définitive sur la nécessaire conciliation à établir entre la liberté de prendre des risques et l'exigence actuelle de sécurité.
Nulle part pourtant, car la liberté de prendre des risques demeure non formulée en droit. Ni le législateur, ni les juges n'emploient l'expression, ni même la doctrine.
Contenue jusqu'à présent silencieusement dans les libertés personnelle, contractuelle ou d'entreprendre, elle pourrait être appelée à sortir de l'ombre à la faveur de la concentration du débat juridique autour d'elle.
C'est en tout cas le sens de cette étude : donner au droit la mission de tracer le régime juridique de cette liberté, ses fondements, frontières, sanctions et récompenses, afin d'inciter aux prises de risques nécessaires à l'ordre social et de dissuader de celles excessives.
Les principales conclusions qui résultent de l'étude sont celles-ci.
D'abord, le droit doit-il protéger les individus contre eux-mêmes lorsque les risques qu'ils s'apprêtent à courir paraissent excessifs ? L'impératif ambiant de sécurité a conduit une partie de la doctrine et de la jurisprudence à l'affirmer. Il semble cependant qu'ainsi pensé, le droit déborde de son lit naturel. En tant que phénomène proprement social, il est étranger au rapport de soi à soi et cantonné au rapport de soi aux autres. L'altérité est la condition d'existence du droit.
Par ailleurs, jusqu'où doit-il protéger contre autrui les vulnérables qui prennent des risques ? La créance de renseignement, de mise en garde ou de conseil sur le risque accordée à la catégorie des profanes, conduit parfois la doctrine ou les juges à y puiser un devoir de ne pas contracter à la charge du débiteur de l'obligation d'information. Or il faut rétablir la nature de cette obligation. Elle n'oblige à rien d'autre qu'informer. Une fois exécutée, son bénéficiaire, s'il décide néanmoins de courir le risque, ne peut plus se retourner contre son cocontractant. Il doit assumer les risques acceptés.
Enfin, comment protéger tout le monde des risques systémiques et quelle place exacte donner au principe de précaution ? Le devoir de précaution connaît encore un régime juridique flou et une place mal définie. L'analyse révèle qu'il est techniquement, plutôt qu'un principe, une exception à la liberté. Trois conséquences s'en évincent et forment le régime de l'exception de précaution : elle est d'interprétation stricte, la preuve est à la charge de celui qui l'invoque, elle est soumise à l'exigence de proportionnalité.
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