Théories du droit et pluralisme juridique Tome II
- Inter-normes
Les théories du droit sont, classiquement, des théories dogmatiques, c’est-à-dire des théories cherchant à imposer une certaine vision du droit contre les doctrines concurrentes. La théorie syncrétique du droit, à l’inverse, souhaite associer l’ensemble de ces théories qui d’ordinaire s’affrontent. En d’autres termes, elle entend identifier ce qui serait « la » définition du droit, non en ce qu’elle revêtirait une quelconque valeur supérieure ou universelle mais en ce qu’elle consiste en une définition lexicale accueillant toutes les approches de la notion de droit justifiant d’une certaine force doctrinale.
Par suite, au moyen de l’échelle de juridicité, instrument original de mesure de la force juridique des normes, la théorie syncrétique retient une conception graduelle de la qualité juridique, loin de la vision manichéenne habituelle droit/non-droit. L’expérimentation de cette échelle de juridicité conduit à observer que, dans le monde des normes, si les normes à juridicité forte cohabitent avec les normes à juridicité plus faible, il ne semble pas exister de normes non juridiques. Dès lors, le pluralisme juridique s’avère entièrement possible dans le cadre de la théorie syncrétique du droit.
Cette dernière donne ainsi lieu à un panjuridisme raisonné contrastant avec les conceptions modernes du pluralisme juridique étudiées à l’occasion du premier tome de Théories du droit et pluralisme juridique, lesquelles tendent à assimiler la juridicité à la normativité et posent rarement la question des spécificités des normes juridiques parmi l’ensemble des normes sociales. Aussi la théorie syncrétique aspire-t-elle à conférer un surcroît de crédit au pluralisme juridique compris en tant qu’hypothèse théorique, condition essentielle pour pouvoir l’envisager ensuite en tant que donnée empirique. L’enjeu attaché à la théorie syncrétique du droit et à l’échelle de juridicité est donc de permettre au juriste, mais aussi au sociologue, anthropologue, historien ou philosophe du droit, d’étudier de multiples variétés de normes tout en sauvegardant l’autonomie conceptuelle du droit au sein des différents modes de régulation sociale.
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