La constitution du droit réel par l'effet de la tradition
- Centre Pierre Kayser
La consécration par le Code civil de 1804 de la règle du transfert de propriété solo consensu a conduit à envisager la constitution du droit de propriété distinctement de son opposabilité erga omnes. Une situation identique se constate en présence d’un droit réel démembré, où la constitution du droit est fréquemment indépendante de l’opposabilité aux tiers, qui dépend de l’accomplissement d’un procédé ostensible. Cependant, ce schéma contrevient à l’opposabilité substantielle du droit réel, qui assure à son titulaire l’exclusivité de sa relation juridique avec la chose. En effet, la constitution du droit réel repose sur un phénomène de transmission qui en représente le rouage essentiel : il s’agit de la transmission d’un bien en présence du transfert de propriété ou de celle d’un avantage économique sur le bien grevé d’un droit réel démembré. Par nature risquée pour les tiers, cette opération translative nécessite qu’une personne ne puisse opposer son droit aux tiers qu’après l’exécution d’un formalisme d’extériorisation. Elle révèle ainsi la particularité du régime juridique de l’opposabilité substantielle du droit réel, qui est caractérisée par cette réciprocité vis-à-vis des tiers. Cette approche s’articule mal avec l’idée d’une constitution conventionnelle du droit réel où son opposabilité est appréhendée de façon duale : à l’état « virtuel » lors de l’échange des consentements et à l’état « effectif » avec l’accomplissement d’un procédé ostensible. L’opposabilité « conventionnelle » est un concept creux car sans effet juridique, de sorte que l’opposabilité substantielle du droit réel entretient une relation exclusive avec le formalisme la mettant en oeuvre. Se trouve ainsi fondée la perspective d’une constitution du droit réel par l’effet de la tradition car celle-ci, au-delà de sa matérialité originelle, extériorise l’opération translative inhérente au droit réel et en préserve ainsi l’opposabilité substantielle. Il est dès lors question d’analyser précisément la manière dont la règle de la constitution sola traditione du droit réel pénètre le droit positif. Or, à cet égard, elle fait œuvre de rationalisation.
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