Annuaire européen d'administration publique n° 34 - Année 2011

D’ici quelques années la majorité de la population du monde vivra dans les villes. En 2010 le monde aurait basculé pour la première fois dans son histoire : 3,4 milliards d’habitants se trouvent dans les villes, la population devient de plus en plus urbaine, le mouvement paraît irréversible. Et les discours, récurrents, tout au moins en France, de « retour à la terre », au « naturel » (qui, « naturellement », n’existe pas) n’empêcheront pas la poursuite de cette évolution, tant la ville attire, même lorsque les « lumières de la ville » éblouissent et sont trompeuses. Donc nous serons de plus en plus nombreux à habiter des villes, des agglomérations. Cela ne va pas sans de multiples interrogations.
La première interrogation porte sans doute sur ce qu’est la ville. Il est probable, il est même certain, que nous ne mettons pas tous le même contenu sous cette appellation. Il est vrai que la notion de ville peut être comprise sous un angle purement administratif (une ville est considérée comme telle à partir de la présence d’un certain nombre d’habitants agglomérés en un même lieu, mais ce nombre varie selon les Etats), mais également sous un angle économique, sociologique, culturel.
Qu’est-ce qui fait véritablement une ville ? La notion d’agglomération complique les définitions : une ville peut faire partie d’une agglomération, mais ce n’est pas une condition indispensable pour qu’il y ait ville, certaines villes n’ont pas d’agglomération, mais l’inverse est aussi vrai, des agglomérations existent – et elles sont nombreuses – sans qu’il y ait véritablement de ville. Encore faut-il savoir ce que l’on entend par ville, que l’on oppose à la campagne, ce qui est urbain et ce qui est rural. Les conceptions, les définitions, varient selon les pays, d’autant que s’ajoute aujourd’hui le concept d’agglomération, concept vague qui peut recouvrir des réalités diverses.
D’autres interrogations portent sur les structures de la ville, ou de l’agglomération, leur gestion, Tous les problèmes se rencontrent en même temps. L’un des plus cruciaux est celui du logement de la population, notamment les nouveaux arrivants. Dans certaines grandes villes du monde, qualifiées de « mégapoles », qui deviennent quelquefois des mégalopoles, l’impossibilité de loger cet afflux de population se traduit par l’installation anarchique dans des conditions précaires, comme le bidonville de Netzahualcoyotl, à Mexico, la ségrégation par l’argent, qui aboutit aussi à une ségrégation par quartiers.
Les transports soulèvent des problèmes particuliers dans les villes et agglomérations, avec la nécessité de transporter, tous les jours, des centaines de milliers ou des millions de personnes, l’encombrement, l’engorgement des voies de circulation (on parle même, en termes médicaux, de thrombose), les relations entre centre et périphérie, la cohabitation des piétons et des véhicules, la recherche d’un équilibre entre transports collectifs et transports individuels (faut-il chasser les voitures du centre ville ?).
La ville, ce sont également les pollutions de toutes sortes, pollution atmosphérique due au rejet de gaz, notamment de CO², mais aussi pollution due aux aérosols microbiens, transmission plus rapide de germes de maladies contagieuses, pollution chimique, etc. La ville ce peut être aussi la ségrégation, la solitude non voulue. Mais la ville c’est également la liberté, l’espoir d’une vie meilleure, les rencontres possibles, les grands équipements culturels, sanitaires ou autres.
Ce ne sont là que quelques exemples. Ce qui est certain c’est que les autorités, locales et nationales, ont à gérer tous ces problèmes, à tenter de les maîtriser, à faire des villes des lieux de vie pour tous. Cela implique de nombreuses réglementations, l’adaptation de celles qui existent à la spécificité urbaine. Que peuvent dire les juristes de toutes ces dispositions ? Quel peut être leur apport au devenir de la ville ?